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Perception de l’intérêt social comme fondement de la gouvernance des sociétés dans l’espace OHADA

 

Par

Kiaku Ndenga Sam Samuel, Muanya Muanya, Muamba Ntite Kanyonga Bruno, Tujibikile Mambakayi Adonis, Ngoyi Cyala Gilbert  

 Résumé

Cette recherche démontre de quelle manière la survie de toute société commerciale, entité économique, est conditionnée par la soumission de ses différents organes au respect de l'intérêt social. Tous les associés manifestent ainsi un intérêt convergent ; partager loyalement la richesse sociale. Cette communauté d'intérêts unit les associés et assure le bon fonctionnement de la société.  

En revanche, selon les normes OHADA, le mécanisme sociétaire se bloque lorsqu'un associé ou un dirigeant choisit de satisfaire son intérêt personnel, contraire à l'intérêt commun ou à l'intérêt social. Cette situation donne alors naissance au conflit d'intérêts qui peut revêtir plusieurs formes. Ces différentes manifestations des conflits d'intérêts emportent pour effet commun de porter atteinte à l'intérêt social et causent préjudice aux associés.

Introduction

Le concept de l’intérêt social, concept à contenu variable, renaquit par la progression de l’actualité sur la gouvernance d’entreprise. Mouthieu, N (2006 : 22) note ce qui suit « Pour le législateur de l’OHADA, s’il entend sécuriser l’économie, il prend en compte les intérêts des différents partenaires de la société à savoir les salariés, les créanciers, le fisc, les tiers, les fournisseurs, en gros, de l’entière société ».

On comprend par ce passage qu’il y a le souci de faire de l’intérêt social, le seul intérêt commun des associés en entendant garantir la sécurité des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celles-ci et d’encourager l’investissement. Ainsi entendu, l’intérêt est une notion omniprésente dans la vie de toute société. 

Par sa définition, l’intérêt signifie littéralement « ce qui importe » et, par extension, « ce qui est bon, ce qui est opportun, avantageux, bénéfique » pour quelqu’un. Qualifié « d’indéfinissable ». (Lejeune, F, 1996 : 60). 

Par cette recherche sur la notion d’intérêt social, nous tenterons d’appréhender l’intérêt social en montrant, d’une part, comment cet intérêt opère dans la mise en œuvre de l’ensemble des mesures visant à assurer que la société  est gérée et dirigée de manière efficace, non dans le seul dessein de servir une technostructure dirigeante, mais comme boussole de l’action des dirigeants et, d’autre part, comme instrument d’organisation du pluralisme des intérêts en vue de la protection efficace et pérenne de l’entreprise. D’où notre recherche se focalise sur deux points dont le premier va traiter de l’intérêt social comme boussole de l’action des dirigeants et le deuxième parlera de l’intérêt social comme instrument d’organisation du pluralisme des intérêts.

1. L’interêt social comme boussole de l’action des dirigeants

La recherche de la prospérité et de la pérennité de l’entreprise constitue, en effet, l’objectif majeur de l’action des dirigeants. Ils sont chargés de l’intérêt social, et non du leur.  

Delecourt, (2001) soutient qu’ :« En réalité, s’il n’y a pas de texte qui définit l’intérêt social, son identification à l’intérêt de l’entreprise, entendu comme englobant les intérêts du capital et du travail est donc le support sur lequel ces dirigeants font reposer leur gestion sur le long terme : une partie des bénéfices générés par l’activité de la société devant être mise en réserve afin d’assurer la prospérité future de la société, ce qui va à l’encontre des intérêts immédiats des associés ». Aussi, la notion d'intérêt social, notion très présente et importante pour la vie des sociétés joue un rôle fondamental dans les rapports de pouvoir entre actionnaires. Les décisions relatives au fonctionnement de la société seront prises différemment selon que l’on considère le seul intérêt des associés ou l’intérêt de l’entreprise. 

C’est l’intérêt de l’entreprise qui apparaît aujourd’hui comme l’instrument de référence des décisions prises par les dirigeants. Est-il moins précis que l’intérêt social ? Si on privilégie la thèse institutionnelle de la société, la notion de l’intérêt social qui s'analyse en la recherche de la pérennité des entreprises et la rigueur de la gestion est bien différente et supérieure à celle des actionnaires.

Cette primauté ressort clairement des dispositions de l’article 4 alinéa 2 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales, selon lequel « la société commerciale est créée dans l’intérêt commun des associés ». L’intérêt social s’identifierait donc ici à l’intérêt commun des associés, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires par opposition à leurs intérêts individuels. 

Cependant, certains auteurs comme Pirovano (1997),  critique l’intérêt social de l’entreprise car il justifierait la mainmise sur la société d’une classe de dirigeants s’abritant derrière la bannière de l’intérêt social entendu comme l’intérêt supérieur dans l’entreprise. Cette conception de l’intérêt social peut, en effet, être utilisée par les dirigeants pour agir en fonction de leur intérêt personnel. 

Aussi, il se fait remarquer que l’intérêt social de l’entreprise « peut être le moyen d’une confiscation du pouvoir au profit d’une petite oligarchie de dirigeants ». Par exemple, les dirigeants auront ainsi tendance à augmenter de façon trop importante leur rémunération. L’intérêt social indique la conduite à tenir et constitue le fil directeur des agissements des dirigeants mais aussi des associés réunis en assemblée générale. L’intérêt social est alors un impératif de conduite, une règle déontologique voire morale, qui impose aux acteurs de respecter un intérêt supérieur à leur intérêt personnel. C’est l’affirmation de la primauté de l’intérêt social sur les intérêts personnels des associés.  

Si la notion d’intérêt social est importante à la survie des sociétés, elle exprime d’une part l’intérêt commun des associés, celui-ci reposant sur une conception contractuelle de la société, ce qui signifie que l’intérêt des associés repose en théorie sur la répartition immédiate du bénéfice, en faisant abstraction de l’intérêt de la société ; et d’autre part l’intérêt de l’entreprise. La société-institution s’efface alors au profit du contrat de société.

a. L’intérêt social comme intérêt commun des associés

L’intérêt social ne se confond pas nécessairement avec l’intérêt commun des associés, ce qui suppose que tous les associés sont traités sur un pied d’égalité. Les dirigeants doivent donc prendre soin d’agir dans l’intérêt de la société sans rompre l’égalité entre les associés. Pour autant, ils n’ont pas à privilégier l’intérêt de ces derniers par rapport à celui de la société. 

Schmidt (1995)  estime que « le Gouvernement de la société doit avoir pour objectif, le partage du bénéfice ». Pour cela, il conclut que « la société (…) n’est pas constituée en vue de satisfaire un autre intérêt que celui des associés, qui ont seuls, vocation à partager entre eux le bénéfice social ». De ce point de vue, la société ne serait qu’un contrat de partage, où les dirigeants auraient pour mission de créer des bénéfices à répartir entre associés. 

En effet, les associés semblent détenir la souveraineté à la base et le dernier mot en cas de conflit. L’on va noter par ailleurs, la tendance à une certaine restauration des droits et intérêts des actionnaires. Cependant, en dépit de cette conception contractuelle, il parait difficilement acceptable que la société puisse fonctionner exclusivement dans un intérêt capitaliste à court terme, sans prendre en considération la pérennité de la société, qui requiert une politique d’investissement sur le long terme. Ainsi, dans le contentieux relatif à l’abus du droit de vote, le juge va prendre en considération, outre l’intérêt commun des associés, mais il tiendra également compte de l’intérêt supérieur de la société. Il s’ensuit que la société n’appartient pas uniquement aux détenteurs de son capital, puisque l’intérêt social s’entend plus largement.

b. L’intérêt social comme intérêt de l’entreprise

Pour Zreik (2011), « l'intérêt social est désormais celui de l’entreprise vue dans son contexte économique large ». Il en découle que l’intérêt de l’entreprise ne protège pas seulement les intérêts catégoriels mais également la société elle-même par sa pérennité, sa stabilité, son fonctionnement ; ce qui semble logique puisque la protection des intérêts catégoriels nécessite la protection de la source de ces différents intérêts. 

Ainsi, comme a pu l’écrire Levy (1989) « L’intérêt de l’entreprise se confond avec l’idée fondamentale de maintien de l’activité de l’entreprise ».S’il est souhaitable de considérer l’intérêt social au sens de l’Acte Uniforme comme l’intérêt de l’entreprise, compte tenu de la plus grande protection pour la société qu’offre cette approche, on peut néanmoins reprocher à cette conception de justifier la mainmise sur la société d’une classe de dirigeants s’abritant derrière la bannière de l’intérêt social, entendu comme l’intérêt supérieur dans l’entreprise. 

Enfin, l’expression hybride « intérêt social de l’entreprise » que l’on a souvent retrouvée pourrait « être le moyen d’une confiscation du pouvoir au profit d’une petite oligarchie de dirigeants » (Daigre, 1996). Inspirant d'emblée plus un sentiment qu'une réalité ou définition précise, l’intérêt de l’entreprise, que sont réputés poursuivre les dirigeants, est une notion qui peut être source d'insécurité juridique et économique.

2. L’intérêt social comme instrument d’organisation du pluralisme des intérêts

Si le Traité OHADA a pour ambition de garantir un climat de confiance et faire de l'Afrique un pôle de développement, il se trouve qu’aujourd'hui, les investissements directs étrangers (IDE) jouent un rôle primordial dans tout processus de développement et la garantie d'un climat de confiance appelle à se doter d'un cadre garantissant la protection des investisseurs et de leurs droits. Aussi, si les nations prospèrent c'est en raison du fait qu'elles ont su définir et pu mettre en place, entre autres dispositions, des conditions pour une protection adéquate des droits de propriété et de ceux des créanciers. 

L'importance accordée à la protection des droits de propriété et à la gouvernance appellent entre autres, à la question de savoir comment le Traité et les Actes uniformes OHADA prévoient la protection des investisseurs et la promotion des principes libéraux de l'économie ? La réponse à ces interrogations vise à mesurer l'influence des modèles occidentaux de gouvernance dans les Actes uniformes OHADA et à envisager une meilleure adaptation de ces Actes au contexte institutionnel, économique et social des Etats parties de l’OHADA. Aussi, si les conflits d’intérêts sont susceptibles de naître dans le cadre de la régulation du fonctionnement de la société, la primauté de la prévention des conflits d’intérêts dans la société constitue l’axe majeur par rapport à la gestion de celle-ci. A cet égard, la pérennité de la société, entité économique constitue très souvent la solution de survie lorsque la société est économiquement viable.

a. Le dispositif de prévention et de gestion des conflits d’intérêts

Généralement, le mauvais fonctionnement de la société prend sa source dans les conflits d’intérêts entre associés. Or ces derniers disposent d’un pouvoir de décision qu’ils doivent utiliser conformément à l’intérêt social. Ce n’est plus un secret pour personne, la société fonctionne selon le principe majoritaire et l’AUSC-R s’en accommode lorsqu’il précise à l’article 454 que « les décisions du conseil d’administration sont prises à la majorité des membres présents ou représentés, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte (…) ». Ce qui ne sous-entend pas que les minoritaires sont complètement démunis, ils disposent de droits, notamment lorsque la majorité commet des abus. 

Didier (1999) note que : « L’encadrement des abus des associés tenant à assurer la protection des minoritaires, le juge tend à assurer une certaine loyauté des délibérations lors des assemblées générales et, partant, une admission du civisme dans le contrat de société ». Aujourd’hui, la notion de conflit d’intérêts est très récurrente. Elle désigne une situation dans laquelle une personne doit accomplir une fonction où des intérêts multiples voire des intérêts personnels sont en concurrence avec sa mission. D’où l’encadrement des abus de majorité et de minorité, mesures destinées à améliorer la gestion des conflits au sein de l'entreprise.

1. Le fondement des conflits d’intérêts

Chaput (2005), note ce qui suit « L’un des objectifs de la gouvernance est d’éviter des conflits d’intérêts ou, à tout le moins, d’en chercher une solution impartiale au regard des enjeux que renferment les conflits d’intérêts notamment leur impact sur l’organisation et le fonctionnement des sociétés commerciales, dont le corollaire est l’équilibre des pouvoirs ». 

La survie de société commerciale, entité économique, est conditionnée par la soumission de ses différents organes au respect de l'intérêt social. Dès lors, dans le contexte économique actuel, et notamment des économies des Etats parties à l’OHADA, la question qui se pose est celle de savoir, « à qui profite la société ? ». Est-ce à l’épargnant plus qu’à l’actionnaire fidèle ou encore aux fonds de pension sur les salariés, à moins que ce soit à la personne morale, sur l’intérêt commun des majoritaires, etc. 

D’une manière générale, il existe trois conceptions de la notion de conflits d’intérêts dans l’entreprise :

-       La première consiste à définir le conflit d’intérêts comme « la situation dans laquelle les intérêts personnels d’une personne sont en opposition avec ses devoirs ». Dans cette perspective, l’intérêt social serait l’expression de la prohibition du comportement égoïste des dirigeants sociaux.

-       La seconde conception possède des contours moins restrictifs. Elle a fortement trouvé échos dans les écrits de Schmidt (2005) qui définit le conflit d’intérêts comme : « toute situation dans laquelle un actionnaire ou un dirigeant choisit d’exercer ses droits et pouvoirs en violation de l’intérêt commun, soit pour satisfaire un intérêt personnel extérieur à la société, soit pour s’octroyer dans la société un avantage au préjudice des autres actionnaires ». La définition proposée par Schmidt est moins restrictive que la première, car elle conçoit le conflit d’intérêts entre les deux protagonistes centraux de l’entreprise, l’actionnaire et le dirigeant. Cette définition met l’accent non seulement sur le comportement égoïste du dirigeant social et la prévalence de ses intérêts personnels sur ses devoirs de mandataire, mais également sur la transgression de l’intérêt commun par un ou plusieurs des associés. Il y a par conséquent, selon cette conception, au moins trois intérêts catégoriels susceptibles d’entre en conflit dans la société : celui du dirigeant, des associés majoritaires et minoritaires.

-       Une troisième conception du conflit d’intérêts met en relief tant la complexité de l’environnement sociétal que la pluralité et l’hétérogénéité des intérêts au sein de la société. Le conflit d’intérêts ne peut se déterminer uniquement au regard des devoirs et intérêts d’un seul acteur social. En d’autres termes, l’entreprise comprendrait d’autres oppositions que celles qui existent entre associés et dirigeants. La multiplicité des antagonismes par l’implication d’acteurs internes et externes à la société dans la sphère conflictuelle stimule le déplacement du centre de gravité du pouvoir.

En définitive, c’est parce que le conflit d’intérêts vise les contradictions entre un intérêt individuel ou catégoriel avec l’intérêt de l’entreprise ou, les divergences entre les deux ou plusieurs intérêts individuels ou catégoriels entrainant directement ou indirectement des conséquences préjudiciables pour l’entreprise, que le droit a dû remédier à sa propre inadéquation avec cette réalité, en élargissant la sphère conflictuelle de l’entreprise moderne en ce sens.  

Cette dernière conception est marquée par le sceau du pragmatisme. Elle reflète la réalité sociétale et s’inscrit en toute cohérence dans l’évolution générale du droit des sociétés. En défendant une telle définition du conflit d’intérêts, force est de constater que les ambiguïtés des concepts traditionnels du droit des sociétés, comme l’intérêt commun des associés, sont mises en évidence.

2. L’encadrement des abus des associés

La philosophie de l’OHADA est hostile aux abus. Ceux-ci sont néfastes au bon exercice de l’activité professionnelle et incompatible avec l’affectio societatis. D’où l’opposition aux abus des majoritaires et des minoritaires et donc enclin à la recherche d’équilibre social des pouvoirs entre les actionnaires. 

Leur encadrement se présente ainsi comme une nécessité absolue. S’ils sont nombreux et variés, les abus peuvent surgir à tous les stades du processus sociétal, de la constitution de la société à sa dissolution, en passant par son fonctionnement, et/ou sa restructuration. Les abus que nous retiendrons dans le cadre de notre présente démonstration surviennent généralement lors du fonctionnement de la société, précisément au moment de la tenue des assemblées générales annuelles. Il s’agit des abus du droit de vote. Ces abus traduisent une violation certaine du droit de participation et de vote des associés aux décisions collectives et amenuisent la protection de l’intérêt des associés ainsi que l’intérêt social. 

Les notions d'abus de majorité et de minorité sont précisées en considération de l'intérêt social. La question de l’abus d’une prérogative en matière de société touche plusieurs points. Chaque associé ou actionnaire est en principe libre de voter comme il l'entend. Cependant, qu'il soit majoritaire ou minoritaire, son droit ne doit pas pour autant être exercé de manière abusive. L'Acte uniforme a encadré l'abus de majorité et l'abus de minorité qui engagent la responsabilité des associés concernés et les abus d’égalité.

a) L’appréciation de l’abus de majorité 

En principe, note Njeufack (2006), la société fonctionne selon le principe majoritaire Les associés minoritaires doivent se soumettre aux décisions adoptées selon cette procédure. Comme dans une démocratie, les décisions se prennent à la majorité, devant laquelle la minorité doit s’incliner ; c’est un gage d’efficacité par rapport au droit commun. Aux termes de l’article 130 alinéa 2 de l’Acte uniforme révisé sur les sociétés commerciales, « il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, sans que cette décision ne puisse être justifiée par l’intérêt de la société ».

L’hypothèse la plus fréquente est la mise en réserve de tous les bénéfices : les minoritaires sont privés de tout dividende, tandis que les majoritaires peuvent tirer des avantages de la société, notamment en concluant avec celle-ci des contrats de travail bien rémunérés.

b) La sanction de l’abus de minorité

La difficulté de sanctionner efficacement l’abus de minorité provient de l’absence de décision à annuler. En effet, l’abus de minorité est encadré par le législateur de l’OHADA. Aux termes de l’article 131 alinéa 2 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales, « il y a abus de minorité lorsque, en exerçant leur vote, les associés minoritaires s’opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu’elles sont nécessitées par l’intérêt de la société et qu’ils ne peuvent justifier d’un intérêt légitime ». Les associés agissant ainsi peuvent voir leur responsabilité engagée. L’abus est constitué lorsque l’opposition du minoritaire est contraire à l’intérêt général de la société et, si cette opposition est fondée sur « l’unique dessein » du minoritaire de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés. 

En principe, en tant que partie au pacte social, les associés minoritaires disposent d’un pouvoir de contrôle et de critique de la gestion sociale qui doit être exercé sans excès. Aussi, le fait pour un associé minoritaire de voter contre une mesure n’est pas illégitime en soi. Seule une opposition entêtée, excessive et injustifiée sur la réalisation d’une opération essentielle pour la société dans l’unique but de favoriser leurs intérêts personnels, au mépris de l’intérêt des associés majoritaires et de l’intérêt social est constitutive d’abus.

c) L’introduction du principe de l’abus d’égalité

L’Acte uniforme vient consacrer l’abus d’égalité dans les sociétés commerciales. Selon l’article 131, Il y’a abus d’égalité « lorsque, en exerçant leur vote, les associés égalitaires s’opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu’elles sont nécessitées par l’intérêt de la société et qu’ils ne peuvent justifier d’un intérêt légitime ». Comme nous l’avons observé ci-dessus, toute opposition d’un associé à la prise d’une décision n’est pas forcément constitutive d’abus. L’abus n’est constitué, dans la présente hypothèse, que dans la mesure où cette opposition est contraire à l’intérêt de la société et à l’intérêt du coassocié égalitaire.

b. La pérennité de la société, entité économique

Garant de la pérennité de l’entreprise, le législateur de l’OHADA a prévu tantôt explicitement ou implicitement, des solutions au maintien de l’activité de la société, notamment lorsqu’elle fait face à des difficultés structurelles réelles460. Pour la doctrine, cette recherche de pérennité doit être plus audacieuse et plus pragmatique. Le législateur de l’OHADA aurait pourtant trouvé là une occasion formidable pour innover, en matière de sécurisation de l’investissement des actionnaires, à travers l’exclusion de l’associé comme moyen de régulation ou alors la non-immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion.

1. La non-immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion de la société

Le principe de non-immixtion est repris par le législateur de l’OHADA dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales en son article 712 qui dispose que « le commissaire aux comptes a pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur ». 

La société peut être paralysée par l'absence ou la défaillance des organes de gestion. Ainsi, lorsque le fonctionnement normal de la société est rendu impossible, soit du fait des organes de gestion, de direction ou d'administration, soit du fait des associés, la juridiction compétente statuant à bref délai, peut décider de nommer un administrateur provisoire aux fins d'assurer momentanément la gestion des affaires sociales. 

Selon Cozian et al (2003), : « si le conflit entre acteurs sociaux persiste, il est de nature à paralyser le fonctionnement de la société, le juge peut nommer un administrateur provisoire, à l'issue de l'examen préalable au fond des problèmes de la société. En revanche, les dissensions entre actionnaires, si violentes soient-elles ne justifient pas la désignation d'un administrateur provisoire tant que les organes sociaux fonctionnent normalement ».

2. L’exclusion de l’associé, comme moyen de régulation du fonctionnement de la société

Il est très souvent fait appel au retrait forcé ou à l’exclusion de l’associé comme moyen de régulation des rapports interindividuels des associés. Ainsi, un associé peut être tenu, dans des conditions qui doivent être prévues aux statuts, de céder ses actions et de quitter la société. En tant qu’institution ayant un intérêt propre, la société doit pouvoir se séparer d’un actionnaire ou d’un associé lorsque cet intérêt l’exige. Dans certains cas, l’associé nuit à l’intérêt social soit par sa personne, soit par son comportement au point que le maintien de sa qualité ne puisse raisonnablement être toléré. Tel est, par exemple, lorsqu’un associé perturbe le fonctionnement social en n’exécutant pas les obligations lui incombant ou en développant une attitude conflictuelle. 

Contrairement à ce que l’on pourrait donc croire, l’exclusion forcée de l’associé n’est pas seulement ni toujours motivée par des raisons économiques. L’exclusion doit avoir un motif objectif prévu dans les statuts (perte de la qualité de salarié ou de dirigeant, diminution d’un pourcentage de détention de capital, accomplissement d’un acte de concurrence, …) et résulter d’une procédure contradictoire par laquelle l’associé objet de la procédure d’exclusion a la possibilité de se défendre. 

Les motivations qui poussent l’associé à quitter la société sont diverses : intérêt financier, simple désaffection, mésentente avec les autres associés, opposition à la politique des majoritaires. Le souci du juge étant d’assurer le bon fonctionnement de la société en dépit de ses difficultés. Le retrait de l’associé ne doit être envisagé qu’en cas de conflit grave et durable, mettant à mal la pérennité de la société en tant qu’entité économique, jouant un rôle primordial dans le développement du tissu économique et lorsqu’aucune tentative de négociation n’a pu aboutir. 

Il est démontré l’étroite connexion entre la satisfaction de l’intérêt social et la notion de retrait forcé. Elle met à l’épreuve le rôle fondamental des associés dont le comportement est susceptible de devenir une cause certaine de dysfonctionnement. Il est alors mis en relief l’importance fondamentale d’une régulation des rapports entre associés, compte tenu qu’ils constituent le foyer de la dissension, ainsi que du développement des moyens de cette régulation.

Mis à part la voie de l’apaisement et du compromis, qui est la voie immédiate par laquelle le conflit s’éteint, la résolution emprunte toute une palette de moyens allant de la cession à la demande en dissolution. La cession est le moyen par lequel un actionnaire ou un groupe d’actionnaire abdique toute prétention et se retire de la société soit en proposant ses titres aux autres membres, soit en offrant ses titres à un cessionnaire externe à la société. Cette hypothèse, peu réaliste à la vérité aboutit à une impasse si les autres actionnaires ne veulent ou ne peuvent financièrement acquérir les titres ou si aucun cessionnaire ne se manifeste à l’achat de ceux-ci. 

Pour ce qui est de la fin de la société, elle obéit à un éventail de possibilités, la dissolution pour cause de mésentente entre les associés étant la plus dangereuse et la plus contestable de toutes. Enfin, la demande en dissolution de la société. Le conflit est alors considéré comme un événement dont la survenance est de nature à justifier la dissolution de la société. La mésentente entre les associés mettrait en exergue le rôle primordial de l’affectio societatis, souvent ignoré. La dissolution tirée de la mésentente procède d’un postulat théorique sans nuances selon lequel l’existence du conflit nie dans son ensemble la réalité du critère de l’affectio societatis. Défini comme une sorte d’affect caractéristique de l’associé, il doit être apprécié non collectivement mais individuellement. (Georges, 2004).

Conclusion

Tout au long de cette recherche, il était pour nous question de présenter l’intérêt social comme base de la survie de toute société commerciale, entité économique, tout en liant cette notion la soumission de ses différents organes à son respect. Tous les associés manifestent ainsi un intérêt convergent ; partager loyalement la richesse sociale. Cette communauté d'intérêts assure l’union les associés et assure le bon fonctionnement de la société.  

En revanche, nous avons aussi démontré que, selon les normes OHADA, le mécanisme sociétaire se bloque lorsqu'un associé ou un dirigeant choisit de satisfaire son intérêt personnel, contraire à l'intérêt commun ou à l'intérêt social. Cette situation donne alors naissance au conflit d'intérêts qui peut revêtir plusieurs formes. Ces différentes manifestations des conflits d'intérêts emportent pour effet commun de porter atteinte à l'intérêt social et causent préjudice aux associés et a comme risque, amener la société à la faillite.

 

Bibliographie

Chaput, Y. (2005). « Le monde idéal : les principes de la gouvernance d’entreprise, in Cahiers de droit de l’entreprise, n° 5.

Cozian, A. et Deboissy, F. (2003). Droit des sociétés. Paris : 16ème édition, Litec.

Daigre, J.J. (1996). « Le gouvernement d’entreprise : feu de paille ou mouvement de fond », in Droit & Patrimoine.

Delecourt, B. (2001). L’intérêt social, Mémoire de DEA, Université Lille II.

Didier, P. (1999). « Brèves notes sur le contrat-organisation ». Mélanges en hommage à François Terré, in L’avenir du droit. Paris : Dalloz.

Georges, E. (2004). Essai de généralisation d’un droit de retrait dans la société anonyme. Paris.

Lejeune, F. (1996). Cautionnement des SCI : le faux critère de l’intérêt social. Paris.

Levy, M. (1989). Contribution à l’étude de la cession de l’entreprise dans le redressement judiciaire. Paris.

Mouthieu, N. (2006). L’intérêt social en droit des sociétés. Thèse de doctorat, Université de Yaoundé II.

Njeufack, T. (2006). « La règle de la majorité dans le droit des sociétés commerciales OHADA », in Revue de droit africain, doctrine et jurisprudence, Volume 10.

Pirovano, A. (1997). La boussole de la société, intérêt commun, intérêt social, intérêt de l'entreprise.

Schmidt, D. (2005). Les conflits d’intérêts dans la société anonyme. Paris : éd., Editions Joly.

Zreik, S. (1995). Conventions réglementées et intérêt social en droit comparé. Paris.

 

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